Sekai : Chapitre 6 - The Raising Fighting Spirit

Publié le par Jyôka Ryu

- Debout là-dedans, on se bouge !

Le trio qui dormait dans la petite chambre fut bien surpris par ce réveil brutal. En effet, la voix forte de Gumi avait levé de leurs lits Rin, Len et Alys assez prématurément (sans compter le fait qu'elle tambourinait sans arrêt sur la porte en bois). Les jumeaux savaient bien que leur programme d’entraînement débutait ce jour même, et que celui-ci s’annonçait particulièrement ardu. Toutefois, ils s’étaient mis à l’idée que les formateurs leur laisseraient leur dernière nuit tranquille, et qu’ils allaient pouvoir se reposer jusqu’à l’aube. Or, le soleil ne s’était pas encore levé. Les trois personnes, encore somnolentes, commençaient à peine à entrouvrir les yeux difficilement.

- C’est pour aujourd’hui ou pour demain ? insista Gumi.

Rin finit tant bien que mal par se lever du lit inférieur, et partit doucement ouvrir à la jeune guerrière énervée. Len se retourna vers le mur en soufflant, tandis qu’Alys s’asseyait tranquillement et observait le pas de la porte. Elle y vit le visage rouge écarlate de Gumi, puis Yuma un peu plus en retrait, calme comme à son habitude.

- Vous êtes encore là ?! On vous avait pourtant bien demandé de vous tenir prêts pour l’entraînement ! hurla la lieutenante.

- C’est que… On ne pensait pas que vous viendriez si tôt… murmura Rin, encore dans les vapes.

Cette dernière phrase provoqua la fureur de Gumi.

- Mais vous vous croyez où ? C’est la garde royale, ici, pas un camp de vacances. Il n’est pas question que je vienne vous réveiller tous les matins.

Devant la colère mal contenue de sa collègue, Yuma se vit obligé d’intervenir.

- C’est bon… dit-il. « C’est leur premier jour, ils n’ont pas encore l’habitude. Laisse-leur du temps… », conseilla-t-il.

- Ouais, mais ils ne partent pas gagnants, rétorqua la jeune femme.

Elle posa ses yeux sur Rin et Len, qui s’étaient maladroitement réfugiés dans un coin de la pièce.

- Bon, bougez-vous, je vous attends dans la cour intérieure dans vingt minutes. C’est bien compris ?

Cette dernière réplique à peine sortie de sa bouche, Gumi retourna sur ses pas, et rejoignit le lieu de rendez-vous, le visage toujours marqué par l’impatience. Yuma avait jugé bon de rester quelques instants supplémentaires, afin de ne pas paraître trop rude auprès de ses nouveaux disciples.

- Ne vous inquiétez pas, elle est très impulsive, ça va lui passer.

Rin et Len appréciaient beaucoup les tentatives de consolation de Yuma, mais peinaient encore à trouver leurs mots.

- Par contre, il va tout de même falloir vous y faire. La discipline est très importante ici, annonça-t-il. « Je vous laisse vous préparer. Dépêchez-vous si vous ne voulez pas vous attirer l’ire de ma charmante collègue une nouvelle fois. »

Les jumeaux ne purent que répliquer un simple « merci », et exécutèrent tout de suite les ordres. Len se dirigea vers un minuscule cagibi adjacent à la chambre pour se changer, alors que Rin préparait encore son équipement. Après quelques minutes, le frère Kagamine fut paré. Cependant, il fut interloqué par le visage inquiet de sa sœur.

- Qu’est-ce qu’il se passe ?

- Je pense qu’elle est inquiète par rapport à Gumi, suggéra Alys.

- C’est pour ça ? demanda Len.

Rin ne répondit que par un léger hochement de tête significatif. Elle avait tenté de rester forte depuis sa rencontre avec Gumi, mais elle ressentait une certaine crainte à l’idée de côtoyer sa formatrice au caractère imprévisible pendant un long moment. Len se rassit aux côtés de sa sœur, et lui murmura :

- Tu n’as pas à t’inquiéter, elle ne pourra pas te faire de mal. Miku lui a interdit.

La jeune fille blonde releva les yeux vers son frangin.

- Et puis, elle ne sait pas encore de quoi tu es capable… Je suis certain que tu peux l’étonner, argumenta le frère.

Ses derniers mots calmèrent légèrement l’inquiétude de Rin. Elle ressentait toujours une certaine appréhension à l’approche du premier entraînement, mais regorgeait d’envie de prouver sa valeur.

- Il y a aussi une autre chose dont je veux te parler, ajouta-t-il.

Rin ne répondit pas, et attendait sagement la suite du discours.

- On sait bien que Gumi et Yuma sont chargés de nous surveiller, et donc, il nous faut rester vigilant. En plus d'être concentrés sur l'entraînement, il ne faut pas nous trahir.

- Ça, je le sais bien, ajouta Rin.

- Je trouvais que ce n'était pas bête de le répéter.

Quelques dizaines de minutes plus tard, le trio descendit vers la cour, et retrouva Gumi et Yuma, qui étaient également accompagnés de Miku. Celle-ci s'avança vers eux, le sourire aux lèvres (ce qui était relativement rare) et s’adressa à eux :

- Enfin, nous y voilà, c'est le grand jour ! Je vous laisse entre les mains de Gumi et Yuma. Vous me ferez le plaisir de leur obéir au doigt et à l’œil. Vous êtes maintenant des recrues de la garde royale, et malgré votre statut particulier, vous êtes grandement priés de respecter les ordres, c'est compris ?

- Oui, chef ! rétorquèrent ensemble les jumeaux.

- Parfait, je retourne à mes affaires alors.

Miku leur lança un dernier regard et reprit la route de son bureau. Juste avant, elle demanda à Alys de quitter le périmètre de la caserne durant les sessions d'entraînement des Kagamine. Comme elle ne s'était pas engagée au sein de la garde, elle n'avait pas le droit de rester là.

- Malheureusement, vous n'avez pas l'autorisation d’assister aux formations. Vous avez toutefois le droit de sortir dans la ville. Cependant, faites attention, certains quartiers de la ville sont dangereux, et je ne suis pas responsable de vous.

- Je comprends, répondit Alys. « Je resterai vigilante ».

- J'essaierai de vous trouver quelque chose à faire d'ici les prochains jours.

Alys ne savait pas vraiment comment prendre cette remarque. Était-elle considérée comme une personne totalement inutile ? Elle s'était en quelque sorte imposée dans le groupe, et tentait encore d'y trouver sa place, en dehors de son rôle de soutien pour les jumeaux. Juste avant de partir, elle eût un dernier regard pour Rin et Len, et leur glissa quelques mots : « Bon courage ! Montrez leur ce que vous valez ».

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La cour intérieure de la caserne était vide. En effet, les autres recrues s'entraînaient sur le terrain officiel situé de l'autre côté du bâtiment. Miku désirait plus que tout que la formation des deux adolescents blonds se passe dans le plus grand calme, loin des autres recrues. En outre, cela ne pouvait que faciliter la mission de surveillance de ses deux lieutenants. Rin et Len se tenaient donc au milieu de la cour, juste en face de leurs deux maîtres. Gumi affichait déjà un sourire sadique. Elle était particulièrement satisfaite de ce qu’elle et son comparse avaient prévu pour les deux nouveaux. Le visage de Yuma restait grave et impassible. Après un simple « On va commencer », lancé par le samouraï, Gumi partit chercher quatre sabres en bois. Yuma apporta également un tonneau en métal de taille moyenne.

- Nous n'avons le droit qu'à des sabres en bois, demanda Len. « Quand allons-nous avoir une vraie arme ? »

Gumi s'apprêta à lui répondre violemment, mais elle fut arrêtée juste à temps par Yuma, qui lui stipula que le jeune homme était son disciple et qui lui incombait de répondre à sa question.

- Une chose à la fois, veux-tu ? Nous devons d'abord observer à quel point vous savez déjà maîtriser une arme blanche. Mais crois-moi, tu n'es pas au bout de tes surprises !

- Et ce tonneau, à quoi il sert ? demanda Rin.

- Très bonne question, ça ! compléta Gumi. « Tu veux y répondre, Yuma ? » La jeune guerrière à la tenue orange continuait d'émettre quelques gloussements de rire entre-temps. Ce qui ne rassurait pas le moins du monde les jumeaux.

Le lieutenant aux habits noirs avait en effet apporté avec lui un lourd tonneau, qu’il tenait à bout de bras. Celui-ci contenait un liquide verdâtre, dans lequel Gumi s’empressa de tremper les quatre sabres, avant de les ranger dans leurs fourreaux et d’en restituer deux à ses jeunes élèves. Puis, Yuma donna une explication.

- Gumi vient d’engluer tous nos sabres de poison. Une seule touche et vous êtes finis. Votre but, pour ce premier exercice, est de nous toucher au moins une fois. Rin, tu combattras avec Gumi, tandis que toi, Len, tu devras t’opposer à moi.

Les jumeaux sursautèrent soudainement. « Mais vous êtes fous ! On pourrait se tuer, vous et nous. », ajoutèrent-ils ensemble. « Je ne vois pas l’intérêt », conclut Len.

Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que Yuma se lança vers lui à une vitesse vertigineuse. Son sabre était déjà dégainé. Cependant, Len parvint à bloquer l’attaque grâce à ses bons réflexes. Un peu plus loin, Rin, qui avait observé son frère se faire attaquer, se tenait prête à endurer l’assaut de sa formatrice. Elle tremblait quelque peu, un mélange de peur et d’excitation. Elle-même, sur le moment, trouvait ce sentiment bizarre, car elle ne l’avait encore jamais vraiment ressenti. Pour la première fois, elle se trouvait réellement en danger. La jeunette essayait tant bien que mal de garder son calme, alors que son frère continuait à lutter contre les coups de sabre répétés de Yuma. Gumi avait adopté une stratégie différente de celle de son collègue : elle se rapprochait lentement de sa cible et attendait une réaction. Rin avait déjà pu expérimenter pendant quelques temps les méthodes de combat de la lieutenante de Miku, lorsqu’Alys et elle avaient tenté de s’infiltrer dans la caserne d’Uchi. Elle adoptait ici la même technique. Elle patientait. Rin se vit alors dans l’obligation de réagir, sans quoi le combat allait tourner court. Elle ne savait pas, en effet, quels autres tours Gumi pouvait lui jouer. La jeune blonde se lança alors vers son ennemie, en frappant verticalement le sabre vers elle. Gumi, comme toujours, esquiva plutôt facilement le coup. Et, de la même manière que l’officier d’Uchi, Rin perdit l’équilibre. Elle réussit pourtant à ne pas toucher la lame empoisonnée du sabre, et à se reprendre. Peu de temps après, elle refit face à son opposante qui ne bougeait plus d’un cil. La sœur Kagamine resta prostrée, réfléchissant à une autre stratégie. Pendant ce temps, Yuma attaquait toujours aussi violemment Len qui ne pouvait que parer ses attaques.

- Défends-toi, lui hurla le maître.

Le jeune garçon était complètement perdu. De plus, il était décontenancé par l’information qu’il venait de recevoir. S’il touchait son formateur, c’était pour le blesser, voire pire. Au final, il n’était pas encore préparé à cela. Ces hésitations se remarquaient dans son style de combat actuel, il n’essayait pas de riposter. De l’autre côté de la cour, Rin et Gumi s’observaient toujours dans le blanc des yeux, quand tout à coup, la première se décida à lancer une nouvelle attaque, similaire à la précédente. Gumi s’apprêtait à pratiquer la même esquive, mais, à cet instant précis, Rin laissa traîner sa jambe juste à côté de celles de Gumi. D’un simple mouvement, elle lui fit perdre l’équilibre et la guerrière aux cheveux verts tomba sur le sol. Alors que Rin s’apprêtait à la frapper à l’aide de son katana en bois, son adversaire retira rapidement son sabre de son fourreau afin de parer l’attaque. Rin continuait à pousser sur son épée pour atteindre Gumi, sans succès. Elle recula ensuite de plusieurs pas, laissant donc la possibilité à son adversaire de se relever. Len se trouvait toujours en difficultés dans son combat, Yuma ayant révélé au grand jour sa force ahurissante. Lors d’un instant de pause durant leur opposition, le blondinet se lança sans trop réfléchir vers le samouraï qui le désarma facilement, le fit tomber et mis rapidement fin à son assaut. Yuma tenait le jeune homme en joue. Pendant ce temps, Rin faisait une nouvelle tentative visant à atteindre la lieutenante. Prise par la hâte du combat, elle contrôla moins bien cette nouvelle attaque. Gumi parvint alors également à lui ôter son katana des mains. Son sabre englué de poison lui effleura le bras, provoquant chez la jeune fille une brûlure lancinante.

- Je pense qu’on va s’arrêter là, fit Gumi.

Len observa sa sœur gisant sur le sol, inquiet. Elle venait d’être touchée par le poison, et il ne savait pas encore ce qu’il allait advenir d’elle.

- Et qu’est-ce qu’on fait pour Rin ? demanda-t-il, affolé.

- Elle est hors de danger, lui rétorqua Yuma. « Le poison était un leurre. En fait, il ne provoque que des brûlures. »

Rin, qui s’était rassise dans la terre, fixa les deux formateurs d’un regard mélangé de soulagement et d’une once de colère. A quoi pouvaient-bien servir ces mensonges ?, se demanda-t-elle.

Les deux guerriers expérimentés avaient déjà anticipé cette interrogation, et s’empressèrent de répondre aux jumeaux, encore tétanisés par ce qui venait de se dérouler.

- Ce premier exercice vise à vous faire comprendre deux choses, commença Yuma.

- En fait, ces deux éléments sont liés, compléta Gumi.

- Len, en combat, tu dois prendre tes responsabilités. Ton adversaire sera sans pitié, lui. Tu ne dois pas hésiter à frapper si tu en as l’occasion. Durant notre passe d’armes, tu n’as fait que défendre, sans jamais chercher à contre-attaquer. Toi, ainsi que ton ennemi, vous battez avec des instruments de mort. Il faut que tu aies conscience de cette situation, et que tu passes outre tes hésitations. Sans quoi, tu ne survivras pas. C’est la dure loi du monde dans lequel tu viens d’entrer, analysa le guerrier aux cheveux roses.

- La deuxième remarque te concerne davantage, Rin, ajouta Gumi. « Comme Yuma l’a dit, tu tiens entre tes mains une arme mortelle. Tu ne peux donc pas te permettre de te lancer sans réfléchir aux conséquences, comme tu l’as fait. Sinon, tu risques de te blesser par ta faute. »

- En gros, il vous faut trouver un équilibre entre la prise de risques et la prudence, entre l’attaque et la défense. C’est là toute l’essence, la subtilité et le secret de l’art du combat au sabre, conclut Yuma.

Rin et Len s’étaient entre-temps agenouillés sur le sol terreux qui recouvrait toute la cour d’entraînement, écoutant attentivement les remarques de leurs maîtres. Ils éprouvaient également l’impression d’avoir énormément appris en à peine cinq minutes. Voilà donc ce que dégageaient deux guerriers de légende. Même si les jumeaux étaient toujours sous le choc de leurs récents combats, ils tombèrent d’admiration devant les deux nouveaux professeurs, et finirent même par les remercier chaleureusement pour tous ces enseignements.

La suite de la journée s’était tout de même passée plus calmement. Après une pause d’une demi-heure, durant laquelle les deux recrues purent partager un repas frugal avec Gumi et Yuma (ils commençaient en même temps à apprendre à connaître ces deux personnes, la jeune fille aux cheveux verts se montrant pourtant toujours aussi froide et directe), ils enchaînèrent par des exercices techniques jusqu’au crépuscule. Les Kagamine avaient tout d’abord besoin d’apprendre les bases du combat au sabre.

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Alys venait juste de sortir du quartier général de la garde royale. En partant, elle observait de loin l’entraînement de ses deux amis, et voyait clairement que celui-ci s’annonçait difficile. Cependant, elle savait très bien au fond d’elle-même qu’elle ne leur serait d’aucune utilité durant cette journée, et qu’il valait mieux profiter de ce temps libre pour découvrir la ville de Kyôu en détail, plutôt que de constituer une gêne à la fois pour les formateurs et les nouvelles recrues. Alys s’était déjà rendue de nombreuses fois dans la capitale, mais pas plus d’un seul jour. La plupart du temps, elle y allait sur ordre de sa mère pour lui rapporter quelques commissions. Finalement, elle ne connaissait que très peu cette cité, puisqu’elle visitait à chaque fois les mêmes endroits, et que ceux-ci se trouvaient en outre bien souvent à l’entrée de la ville. Et puis, pour la première fois, elle avait l’occasion de visiter le quartier noble, privilège très rare. Son père avait beau être un héros de la garde royale, sa famille n’étalait pas sa célébrité au grand jour, et préférait vivre dans l’intimité. Cette situation apportait quelques avantages (en grande partie, l’isolement dans le village d’Uchi leur permettait de vivre tranquillement sans pression), mais tous les membres du clan d’Alys avaient par conséquent dû faire une croix sur certains privilèges. La jeune femme déambulait tranquillement le quartier riche, s’arrêtant quasiment tous les dix mètres afin d’admirer les sakura en fleurs par cette saison. Elle s’assit quelques temps au pied d’un de ceux-ci, et fit une pause. Elle réfléchit quelques instants au sujet de la véritable raison qu’il l’avait poussée à suivre les jumeaux. Bien sûr, elle s’était attachée à eux très rapidement, mais elle ne pouvait nier que sa venue avait également un rapport avec le passé de son père. Elle ne l’avait que très peu connu, puisqu’il fut tué durant la Grande Guerre Magique alors qu’elle n’avait que six ans, mais elle en gardait un souvenir impérissable. Depuis des années, elle mourait d’envie de découvrir ce qu’il l’avait poussé à s’engager dans cette guerre, à abandonner sa famille. Ce sentiment s’était une fois de plus ravivé après la rencontre avec la Reine Luka. Alys savait parfaitement que le statut qu'avait acquis son père avait forcément un lien avec son secret de famille.

Elle finit par se relever et reprendre sa route vers le quartier populaire. En effet, si la partie noble de la ville était sans hésitation la plus jolie de toutes, l’essentiel de la vie de Kyôu se passait plus loin. Là-bas, on pouvait y trouver les marchés artisanaux, les artistes qui y donnaient quelques spectacles au milieu des rues. Bref, de l’animation ! Et c’était justement ce qu’Alys recherchait pour cette journée. Elle commença donc par franchir le pont qui reliait les deux parties de la cité, et passa dans le quartier populaire à l’aide d’un laisser-passer préalablement confié par Miku (en fait, celui-ci lui serait plus utile pour revenir à son point de départ). Elle présenta ce document au garde, qui la laissa passer en lui affichant un sourire radieux, et non sans la prévenir une nouvelle fois du danger que pouvait constituer cette partie de la ville. Il s’agissait là d’une habitude chez les sentinelles placées sur le pont, les habitants du quartier noble étant réputés relativement naïfs et peu prévenants. Et les brigands de la plus grande partie de la cité ne se privaient pas pour en profiter. Alys franchit l’immense portique en bois, et arriva en direction d’une petite place sur laquelle était amassés une petite dizaine de commerçants. Le bruit des conversations entourait tout le forum, et la jeune femme à la tresse était déjà enchantée par cette ambiance. Au milieu de la population grouillante, elle aperçut un groupe de jeunes enfants, apparemment menés par un jeune garçon aux cheveux rouges assez efféminé. Elle passa devant eux sans crier gare, alors que chaque membre du groupe s’était mis à l’observer attentivement. Tandis qu’Alys continuait sa promenade tranquillement, le groupe de jeunes s’approchait d’elle dans une sorte de formation en triangle. Ils étaient cinq : l’un d’entre eux s’empara de la tête d’Alys, après avoir effectué un splendide saut, et lui banda les yeux à l’aide d’un foulard noir. Dans le même temps, le leader du groupe, assisté d’un autre garçon, s’occupait à attacher Alys autour de la taille, tandis que les deux derniers lui prirent les jambes. La jeune femme perdit l’équilibre et tomba tête la première sur le sol. Les cinq malfrats eurent ensuite tout le temps nécessaire pour finaliser leur prise et l’emmener. Alys, inconsciente à la suite du choc, était fait prisonnière de manière assez déroutante.

Quelques heures plus tard, elle se réveilla en plein milieu d’une pièce sombre dont la seule lumière émanait d’une énorme bougie. La salle ne disposait d’aucune fenêtre, et il lui était donc impossible de deviner l’endroit où elle venait d’être enfermée. La villageoise ouvra lentement les yeux et aperçut progressivement deux silhouettes : la première était assez petite, elle reconnut rapidement le garçon qui venait de l’attirer dans un guet-apens. La deuxième ombre était clairement celle d’un homme adulte. La lumière jaune émise par la bougie faisait ressortir ses cheveux d’un bleu éclatant. Il portait majoritairement des habits bleus, mais une énorme veste blanche qui traînait presque sur le sol recouvrait le tout.

- Quelle bonne prise tu as eu là, Namine. L’homme mystérieux félicita grandement son disciple.

- Merci, Monsieur. Je l’ai vu sortir du quartier noble, et donc je me suis dit qu’elle devait posséder un bon paquet de richesses sur elle, répondit Namine Ritsu, le jeune garçon efféminé aux cheveux rouges.

- Sur ce point-là, tu t’es peut-être un peu trompé. Elle n’a aucun objet de valeur sur elle. Mais si elle provient du quartier noble, on devrait pouvoir lui soutirer pas mal d’argent, ne fut-ce que grâce à la rançon.

- Attention Monsieur, elle se réveille ! prévint le jeune garçon.

L’homme interrompit directement son discours et s’adressa directement à Alys, qui le fixait dans les yeux.

- Bon, tu vas me dire d’où tu viens tout d’abord, quelle est ta famille ? L’homme adopta volontairement un ton extrêmement direct.

- Vous pourriez au moins vous présenter, plutôt que de paraître malpoli. Et aussi en profiter pour me dire ce que je fais ici. Alys ne se montra absolument pas impressionnée et parvint à continuer de parler de manière très calme.

- Pardonnez mon impolitesse. Je me nomme Kaito, mais on m’appelle aussi « Le Parrain ». Je suis pour ainsi dire, le patron de cette partie de la cité.

- Enchanté. Mais qu’est-ce que vous voulez de moi ?

- Que tu nous dises d’où tu viens, pour qu’on puise savoir ce que l’on peut soutirer de toi ou de ta famille. Je suis certain que tu viens d’une des familles les plus importantes du quartier noble, non ?

- Vous vous trompez complètement. Je viens du village d’Uchi, à quelques dizaines de kilomètres d’ici.

Kaito lança donc un regard noir vers Namine. Ce qui s’annonçait comme une excellente prise en vue d’une rançon s'avérait finalement ne pas être une si bonne affaire que ça.

- Pourtant, Namine t’a bien vu sortir du quartier riche. Qu’est-ce que tu faisais là-bas ?

- Je venais de la garde royale, annonça Alys.

- La garde royale, dis-tu ? Ça c’est intéressant !

Namine Ritsu tira alors la manche de la veste de Kaito, comme pour intervenir.

- Monsieur, ce n’est pas un peu dangereux de se mêler à la garde royale ?

- Mais non, Namine. Si nous restons fins et intelligents, nous pourrions recevoir un bon paquet de pognon en échange de la fille ! Quel est ton nom par ailleurs ? demanda-t-il.

- Alys, rétorqua-t-elle simplement.

- Quel joli nom !

Kaito s’adressa ensuite à ses deux comparses qui étaient restés terrés à l’entrée de la cellule.

- Détachez ses liens, et enfermez là ici en attendant. Je vais de ce pas écrire une lettre pour la garde royale.

Les deux hommes s’exécutèrent, alors que Kaito s’éloignait paisiblement dans la pénombre. Alys, quant à elle, ne broncha pas et ne paniqua aucunement. Cependant, elle guettait la première occasion à sa disposition pour s’enfuir de cet endroit.

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Alys était toujours prisonnière dans sa cellule, et faisait les cent pas en cercle. Elle resta toutefois d’un calme imperturbable. Soudain, un sbire de Kaito frappa à la porte pour la prévenir qu’il venait lui apporter de la nourriture. Prudemment, elle s’approcha de la porte, et entendit très clairement deux voix différentes. Visiblement, Kaito n’était pas assez imprudent pour permettre à Alys de s’échapper en se défaisant d’une seule personne. Peu après, une jeune femme munie d’un plateau d’assez petite taille entra dans la cellule. Alys restait assise en plein centre de la pièce et ne bougea pas d’un cil. L’autre disciple de Kaito était resté posté à l’entrée de la salle. Juste au moment où la serveuse s’abaissa à hauteur de la jeune femme à la tresse, celle-ci lui asséna un coup tranchant à l’arrière de la nuque, qui la mit knock-out sur le coup. A cet instant, l’autre soldat se rendit compte du danger que constituait la prisonnière et se lança vers elle, uniquement armé d’un long couteau. Alys esquiva habilement son coup de couteau avant de lui passer un enchaînement de coups de pieds violents dans le ventre, et de lui faire perdre l’équilibre à l’aide d’un fauchage habile visant ses deux jambes. L’ennemi au sol, Alys put prendre facilement le contrôle et lui fit perdre connaissance en lui pratiquant un petit étranglement dont elle avait le secret. Toute cette manœuvre avait pu être exécutée sans le moindre bruit, si ce n’était le claquement du plateau de nourriture sur le sol sablonneux de la cellule. La porte toujours ouverte, la fille à la tresse s’extrayait subrepticement de sa prison. Elle progressa lentement à travers les couloirs sombres qui s’étendaient devant elle à perte de vue, toujours à l’affût de l’arrivée de l’un ou l’autre ennemi. Quelques secondes plus tard, Alys se retrouva nez à nez avec une énorme porte en bois qu’elle ouvrit prudemment. Elle se retrouva dans ce qui ressemblait vaguement à une salle de réunion où se trouvaient six personnes, dont Kaito, qui furent bien étonnés par sa présence. Ils hésitèrent un instant, mais les hommes se dirigèrent finalement vers la jeune femme étant donné que leur parrain avait donné l’ordre de s’emparer d’elle. Alys ferma les yeux un dixième de seconde, comme pour se concentrer, et se plaça en position de combat. Les cinq hommes de Kaito se rapprochaient toujours d’elle, munis de leurs armes d’une qualité lamentable. En effet, contrairement à la garde royale, Kaito ne pouvait trouver assez d’argent pour fournir à ses hommes un arsenal assez performant. C’était d’ailleurs la raison pour laquelle il s’était lancé dans le kidnapping, les demandes de rançon et autres larcins. En quelques secondes, Alys désarma les deux premiers assaillants et parvint à les repousser de quelques mètres, lui permettant ainsi de se concentrer un moment sur les trois derniers ennemis. Ces derniers tentèrent de l’encercler. Toutefois, Alys les gratifia d’un saut impressionnant qui réussit à la placer juste derrière le malfrat qui se trouvait à se gauche. Elle se retourna et le prit par le cou, son avant-bras droit contrôlant sa trachée. Elle exerça une pression sur celle-ci, ce qui fit perdre connaissance à cet inconnu, tandis que les deux autres agresseurs n’osaient même plus bouger, pétrifiés par l’étonnante habilité au combat de leur prisonnière. Elle profita de cet instant de répit pour replacer une de ses techniques de combat spéciales. Elle fit de nouveau un saut, juste dans l'espace situé au milieu de ses deux derniers ennemis et leur asséna chacun un immense coup de pied en même temps, en pratiquant une sorte de grand écart à quelques décimètres du sol. Les hommes furent sonnés et mis hors d'état de nuire. Alors qu'Alys se débarrassait des derniers gêneurs, Kaito se réfugia dans la pièce d'à côté, où se trouvait son assistante.

- Yukari, où est Leora ? lança-t-il dans l’excitation. Il en profita également pour se dissimuler sous le bureau de la jeune femme.

- Partie en mission, vous l'avez envoyée dans le nord de la ville, vous ne vous rappelez pas ? répondit-elle en suivant son chef dans sa cachette.

Ils furent rapidement rejoints par Namine Ritsu, qui grâce à sa petite taille, avait pu étonnement échapper aux différents assauts d'Alys. Il faut dire aussi que celle-ci ne cherchait pas à semer la désolation à l’intérieur du repère ; elle voulait juste se débarrasser simplement des hommes qui se mettaient en travers de son chemin.

- Jamais là quand on a besoin d'elle, celle-là. Elle nous aurait bien été utile ici. Et toi, Namine, tu aurais pu me dire que cette fille maîtrisait le Koryu, l’art du combat à mains nues ! beugla le mafieux aux cheveux bleus.

- Je n’en savais rien ! regretta le jeune garçon.

- Oui, ben, informe-toi avant d'enlever quelqu'un alors. Si j'avais su, j'aurais rapatrié Leora ici !

Leur conversation fut interrompue par la guerrière à la tresse qui venait de pénétrer dans le bureau. Juste en entrant, elle remarqua la porte de sortie. Elle balaya ensuite calmement la salle du regard, et observa les trois personnes accroupies lâchement sous le bureau situé dans le coin de la pièce. Elle les fixa tout en restant d’un calme olympien, puis leur demanda avec le sourire.

- La sortie, c'est bien par-là ?

- Oui, répondit timidement Kaito.

- Merci bien !

Alys prit alors la direction du quartier populaire. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour retrouver son chemin, et pour retourner vers le quartier général de la garde royale. Cette journée s'était avérée bien plus animée que prévu, et la jeune femme avait bien envie de son reposer pour de bon.

Au repaire des mafieux, Kaito, Yukari et Namine étaient restés cachés plusieurs minutes sous le bureau de la secrétaire. Kaito reconnut ensuite les lieux et remarqua les dégâts causés par l'étonnante fille qu'il pensait avoir sous son emprise. Il serra les dents et se retourna vers Yukari.

- Appelle-moi Leora tout de suite ! Cette Alys va apprendre qu'on ne se moque pas impunément de Kaito !

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A plusieurs dizaines de kilomètres de là, le soleil venait de se coucher. Les lumières fournies par les lampions qui parsemaient le village de Furisato, situé tout à fait au nord de l'île de Kuni, venaient à peine de s'allumer. Le hameau regorgeait encore d'activité à cette heure-là. Trois ombres mystérieuses s'approchèrent de l'entrée du village, et s'arrêtèrent juste à l’orée de la forêt.

- Le quatrième chef est celui de Furisato. Comme tous les autres, sa demeure est située dans les environs du centre du village. C'est notre prochaine cible, annonça un blondinet.

De derrière lui sortirent de la pénombre deux jeunes garçons aux cheveux verts, leurs mains respectives posées sagement sur leur sabre.

- On y va quand ? vociféra Kyuu, qui commençait à s'impatienter. « Ça devient long là ! ».

- Tu ne peux pas patienter un instant, mon petit ? Yohio se montra particulièrement familier avec le frère Genshine. « On ira une fois la nuit tombée, les sentinelles du village seront moins sur les gardes ».

Le visage de Kyuu changea subitement. Lui, qui affichait un sourire discret il y a quelques secondes, arborait désormais une expression de colère. Il retira une partie de son sabre de son fourreau, et s'adressa vindicativement à Yohio :

- Tu m'as appelé comment ?

Le sbire blond avait déjà compris que sa dernière réplique n'avait pas plu à son collègue. La réputation des jumeaux Genshine, et plus particulièrement de Kyuu et son mauvais caractère, n'était plus à faire, mais Yohio était tout de même étonné de voir le jeune garçon aussi susceptible.

- Je suis désolé, rétorqua-t-il doucement, en essayant de calmer le jeu.

- Je préfère ça, conclut Kyuu, alors que Roku le prit par les bras pour l'éloigner et le calmer.

- Ce n'est peut-être pas le moment de se quereller, conseilla Roku.

Kyuu fit fi de la remarque de son frère. « Encore une réflexion comme celle-là, et je t'entaille ! ». Yohio commençait à montrer lui aussi une mine renfrognée, ce qui conduisit Roku à s'excuser de nouveau pour le comportement de son jumeau.

L'atmosphère s'apaisa après plusieurs minutes, alors que le trio guettait le meilleur moment pour entrer dans le village de Furisato.

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