Sekai : Chapitre 5 - Kyôu

Publié le par Jyôka Ryu

La diligence quittait lentement le village d'Uchi pour se lancer sur le chemin de terre qui marquait la sortie du hameau. Miku avait suggéré au cocher de ne pas se rendre vers la capitale à un rythme trop rapide ; la route vers Kyôu n'était en effet pas très longue, et la commandante préférait se méfier des embuscades qui pouvaient se dresser devant le convoi le long des étendues sauvages. Uchi était effectivement assez retiré du reste de l'île de Kuni, ce qui rendait le village relativement difficile d'accès. De plus, les alentours étaient propices aux pièges tendus par de petits brigands. Pas de quoi faire peur aux trois combattants les plus solides de la garde royale, mais Miku restait prudente, car elle ne savait pas encore comment allaient réagir Rin, Len et Alys en cas de pépin. Il était évidemment plus compliqué de se sortir d'un guet-apens lorsque l'on était accompagné de trois poids morts. Si la patronne avait proposé aux jumeaux Kagamine de s'engager dans la garde, c'était davantage par intérêt personnel (pour l'enquête et les mystères qui les entouraient) que pour leurs aptitudes au combat. Elle nourrissait cependant l'espoir d'être surprise par les adolescents, surtout en les confiant à ses lieutenants de confiance, Gumi et Yuma. Ces deux-là avaient la capacité de transformer n'importe quel homme en combattant aguerri, bien qu’ils n’avaient pas beaucoup officié en tant que formateurs. Quant à Alys, elle ne savait pas véritablement à quoi s’attendre. La fille aux cheveux bleu foncé s’était en quelque sorte imposée, et la commandante la voyait comme un excellent moyen de « contrôler » les jumeaux. Miku ne relâcha donc pas sa vigilance durant le voyage, observant d'un œil exercé tous les buissons et les rochers qu'elle croisait de son regard. Le trajet se déroula cependant sans embûche et le sextet arriva en vue de la capitale alors que le crépuscule commençait à tomber.

Lorsque le cocher leur annonça leur arrivée à Kyôu, Rin et Len ne purent s'empêcher de passer leurs têtes par la fenêtre de la diligence. Ils avaient largement observé le paysage qui séparait Uchi de la capitale lorsqu'ils se trouvaient dans le véhicule à cheval, mais rien de bien palpitant à se mettre sous la dent. Ils n'avaient vu que des forêts et des plaines. Ici, le spectacle qui se présentait à eux était tout autre. Ils se trouvaient face à face avec la plus grande ville de l'île, et celle-ci était sans commune mesure avec ce qu'ils avaient pu observer auparavant. La carriole passa tout d'abord le portique d'entrée de la ville – celle-ci étant entourée d'énormes remparts en pierre jaune, munis de huit portes d'entrée (quatre dans les coins et quatre au nord, au sud, à l’est et à l’ouest) – et pénétra dans ce que l'on pourrait appeler le quartier populaire de la ville. Miku interloqua immédiatement le cocher, en lui signifiant qu'il aurait été plus judicieux de passer par l'entrée nord de la ville, plutôt que par le sud. Elle désirait en effet rester prudente à propos des personnes que le convoi transportait, et il aurait mieux fallu passer directement par le quartier noble, plus proche du Palais Royal, que de visiter les faubourgs. On ne savait, en effet, jamais à quoi s'attendre dans ces quartiers. En tout cas, pour la discrétion, c'était raté ! Les jumeaux s’étaient déjà mis à admirer la cité par les fenêtres de la diligence et observaient les grands édifices de la capitale. Ceux-ci s'avéraient très impressionnants (et contrastaient avec ceux qu'ils avaient déjà vu à Uchi), à tel point qu’ils en étaient époustouflés. Les habitations étaient toutes fabriquées en pierres beiges, et s'élevaient de plusieurs étages, la plupart s’étendant sur quatre niveaux. N'importe lequel de ces édifices pouvait sans contexte rivaliser avec la tour du chef Oji dans laquelle le groupe avait débuté son enquête le jour précédent. Voyant la réaction de ses nouveaux compagnons, Gumi lança d’un ton dédaigneux : « Et encore ! Ce n'est rien à côté du quartier noble… Qu'est-ce que vous allez dire quand vous serez devant le Palais Royal ? » Miku souffla également, tandis que Yuma restait impassible. Alys, quant à elle, ne bougea pas, mais se mit à sourire. Elle avait déjà eu l'occasion de se rendre à la capitale de nombreuses fois, et donc elle n’était plus étonnée par son architecture, mais elle pouvait comprendre que celle-ci pouvait impressionner les étrangers (et surtout dans le cas des Kagamine, se disait-elle). Voyant les réactions des autres passagers, les jumeaux décidèrent de concert de se rasseoir calmement sur leur siège, et de ne pas se faire remarquer davantage. Ils restèrent prostrés, alors que le véhicule s'apprêtait à entrer dans le quartier noble, là où se trouvait le quartier général de la garde, ainsi que le Palais Royal de la Reine Luka.

La ville de Kyôu était donc séparée en deux parties bien distinctes, comme si l’on avait à faire à deux cités différentes. En effet, le quartier noble et le quartier populaire étaient complétement isolés l’un de l’autre, et rares étaient les habitants du « bas peuple » à pouvoir entrer dans les beaux coins de la capitale. La carriole transportant les six passagers s’avançait devant la porte d’entrée où étaient stationnés deux gardes, chacun équipé d’une armure en cuir rouge. Miku passa discrètement sa tête par la fenêtre de la diligence et ordonna à l’un des vigiles de faire lever l’énorme porte en fer. Celui-ci reconnut immédiatement à qui il avait à faire et s’exécuta aussitôt. Derrière la porte se dressait un immense pont en bois qui traversait le fleuve, et qui marquait encore plus la séparation entre les deux quartiers. De loin, les jumeaux pouvaient déjà observer la différence de niveau de vie qui régnait entre les deux parties de Kyôu.

- Ah, ça fait quand même du bien de rentrer chez soi… lança Gumi. « J’en avais marre de passer mon temps dans des villages paumés ».

Yuma alpaga directement sa collègue à la suite de sa remarque et lui signifia de surveiller son langage en compagnie de leurs invités. L’homme était bien trop poli pour froisser qui que ce soit, et il se souvenait qu’Alys était originaire d’un des « villages perdus » précédemment évoqués par la fille aux cheveux verts. Toutefois, Gumi fit complétement fi de sa remarque, et alla même plus loin.

- Ne me dis pas que ça ne te fait pas plaisir de revenir ici ! De toute façon, les voyages, ça n’a jamais été mon truc…

Yuma ne souleva pas cette dernière réplique et esquissa une expression d’excuse à l’encontre d’Alys, qui lui rendit un sourire furtif. Les Kagamine, quant à eux, étaient encore bien trop occupés à contempler la splendeur des lieux (ils restaient toutefois bien assis) pour se préoccuper d’une quelconque remarque. Ce qu’ils étaient en train de voir différait réellement avec tout ce qu’ils avaient déjà pu voir non seulement depuis leur arrivée à Sekai, mais aussi dans leur propre monde. Ils venaient également d’un quartier pauvre, et étaient peu habitués au luxe. Contrairement au quartier populaire, où les bâtiments étaient certes immenses mais abritaient plusieurs dizaines de familles, les maisons du quartier noble ne servaient de domicile qu’à un ménage à la fois. Par conséquent, là où les édifices destinés au bas peuple se ressemblaient tous, toutes les maisons des nobles étaient personnalisées. En résultait un véritable kaléidoscope de couleurs à travers toutes les rues, qui, en outre, étaient garnies de plusieurs arbres (dont des cerisiers). Alors que la diligence continuait sa route en empruntant la voie principale, les jumeaux pouvaient déjà apercevoir la magnificence du Palais Royal qui se dressait au loin. Celui-ci était également précédé d’une sorte de torii aux côtés duquel se tenaient deux gardes qui avaient directement reconnu la carriole de la patronne de la garde et qui laissèrent donc passer le convoi sans objection. A ce moment-là, Rin commençait pour de bon à remarquer le fossé qui séparait son monde de celui de Miku. La commandante était en effet une personne très respectée (la jeune fille blonde le savait déjà), mais elle avait son ticket d’entrée pour se rendre absolument partout. Personne dans cette ville n’aurait osé la contredire. Rin se plaça de nouveau aux côtés de son frère qui était toujours en train d’observer le Palais. Celui-ci était composé de trois parties, la centrale étant la plus impressionnante. Les murs étaient d’un blanc immaculé, mais les décorations nombreuses qui ornaient ceux-ci apportaient un certain faste à l’ensemble. Les colonnes qui marquaient l’entrée du palais étaient rouges, et de nombreux bibelots couleur or ou argent complétaient le tout. Le toit, quant à lui, revêtait un gris sombre. Les deux autres parties adjacentes étaient assez semblables, si ce n’est qu’elles comportaient un étage de moins. Plus à l’est se trouvait le grand quartier général de la garde royale. Miku annonça aux jumeaux qu’ils allaient devoir tout d’abord rencontrer la Reine Luka, et que, par la suite, ils allaient apprendre à connaître cet endroit. De l’extérieur, celui-ci s’avérait assez cossu, tout en briques rouges, et équipés de remparts solides en pierre noire. On pouvait aussi entre-apercevoir l’immense terrain d’entraînement de l’armée. Quelques minutes plus tard, la diligence s’arrêta juste devant la porte d’entrée de la partie centrale du Palais. Une servante vint ensuite accueillir le groupe et leur ouvrit la porte du véhicule, alors que d’autres serviteurs s’étaient déjà affairés à décharger les bagages de tout le monde. Miku sortit la première, ensuite vinrent Rin et Alys, suivis de près par Gumi qui passait encore son temps à les surveiller d’un air suspicieux. Puis vint le tour de Len, alors que Yuma ferma la marche et claqua la porte de la diligence.

- Bienvenue Madame, dit calmement la servante en direction de Miku.

- Bonjour Meiko, la Reine va bien ? répondit la commandante.

- Très bien, elle vous attend par ailleurs.

- Parfait, laissez-nous cinq minutes et nous arrivons…

Miku fit alors un signe de la main en direction des membres de son groupe, et tous se dirigèrent vers le hall d’entrée du Palais. A peine furent-ils entrés depuis quelques secondes que les jumeaux blonds marquaient une pause, immobilisés par la splendeur et la beauté des lieux. Le hall était en réalité un long et large couloir de plusieurs dizaines de mètres. Des deux côtés, on voyait plusieurs portes qui menaient vers différentes pièces. Plusieurs domestiques vaquaient à leurs occupations, et passaient d’une pièce à une autre via ce couloir, qui constituait le véritable centre du château. Rin et Len furent happés par les tableaux et les bibelots en or massif (ou autres métaux précieux) qui décoraient tout le hall. Il était certain que tous les notables étrangers ne pouvaient être qu’impressionnés une fois entrés dans le Palais Royal de Kuni. C’était également un moyen de montrer sa richesse aux yeux du monde. Le plafond était également très haut, et paré de dorures gravées du plus bel effet. Alors que les jumeaux restaient immobiles, Miku interrompit leur concentration pour les mener vers l’une des pièces de droite. Il était temps pour eux de s’habiller avant de rencontrer la Reine. Alys devait également les accompagner. Alors qu’ils étaient occupés à enfiler leur nouvelle tenue de service, Miku passa en revue les principales règles du protocole :

- Comme vous l’avez certainement déjà remarqué, la marche à suivre est très stricte lorsque l’on se trouve devant la Reine. Tout d’abord, vous devez vous avancer d’un pas vers son trône et lui faire un salut. Puis, vous attendez qu’elle vous adresse la parole. Cela ne devrait pas durer, mais ne prononcez pas un mot avant elle, c’est bien compris ?

- Oui, chef ! répondirent Rin et Len ensemble.

- Et puis, vous êtes priés d’utiliser le terme « Majesté » lorsque vous vous adressez à elle. Tout autre mot est considéré comme malpoli. Alys, je suppose que tu connais déjà tout cela ?

- Oui, Madame… rétorqua calmement la jeune fille à la tresse.

Len lança alors un regard en direction de sa sœur, et lui glissa subrepticement : « Ils n’en font pas un peu trop, là… Elle est coincée à ce point, la Reine ? ». Rin émit un léger gloussement de rire, mais se ravisa très rapidement en voyant l’air sérieux et austère affiché par Miku.

Quelques minutes plus tard, les jumeaux et Alys étaient enfin prêts. Rin et Len furent obligés de porter leur nouvel uniforme de recrue de la garde royale. Celui-ci existait en deux versions : Len portait une armure en cuir rouge clair garnie d’épaulettes noires. L’attirail de Rin était assez semblable, si ce n’est que le version féminine était un rien plus légère, et comportait une jupe à la place d’un lourd pantalon. Meiko avait fourni un joli yukata bleu marine et noir à Alys. Elle avait enfilé ce vêtement très précautionneusement, et s’était également recoiffée. La jeune femme allait rencontrer la Reine pour la première fois, et elle savait à quel point ceci était un privilège. Il ne fallait donc en aucun cas gâcher cet instant. Les Kagamine étaient loin de ses préoccupations et se regardèrent l’un et l’autre en souriant pendant quelques instants, avant que Meiko ne leur demande à tous de sortir de la pièce. Les trois personnes s’exécutèrent de suite et rejoignirent la servante dans le grand hall.

- La salle du trône se trouve juste derrière la grande porte du fond. La Reine vous attend. Suivez-moi, dit-elle.

Meiko se tenait à l’avant, Rin, Len et Alys suivaient, tandis que Miku, Gumi et Yuma fermaient la marche. Le groupe progressait à travers le long couloir avant de parvenir à une immense porte en bois sculpté. On pouvait y observer les armoiries de la famille royale, représentées par les plus grands artistes du pays. Meiko frappa trois fois à la porte avant d’actionner l’imposante poignée en argent. Ils entrèrent ensuite tous dans la salle du trône. Celle-ci était particulièrement lumineuse. Les murs étaient encore peints en blanc, et de nombreux tableaux présents sur ceux-ci représentaient les heures de gloire de l’histoire de Kuni. Au centre de la pièce se tenait la Reine Luka, silencieuse, et assise sur son trône. Celui-ci était d’assez simple facture. Il était construit en bois de chêne noble, et comportait quelques sculptures caractéristiques, mais rien de plus. Cependant, le baldaquin qui se trouvait au-dessus du trône palliait grandement ce manque d’allure. Il comportait de longues tentures de soie bleue et le haut était paré d’or et d’émeraude. L’ensemble donnait énormément de prestance à la personne qui avait la chance de s’asseoir à cet endroit. La Reine Luka accueillit ses hôtes avec un large sourire, alors que les Kagamine observaient en long et en large la salle. Même Alys ne put s’empêcher de contempler la richesse des lieux. Quelques secondes plus tard, Meiko prit la parole, alors que Miku et ses lieutenants restaient dans le fond de la pièce, muets :

- Voici les trois personnes que vous avez quémandées, Majesté.

- Bienvenue à vous, répondit directement la souveraine.

Meiko fut ensuite heurtée au silence profond des jumeaux, qui avaient pourtant bien pratiqué leur rituel de salut à la Reine, et dût leur signifier dans un murmure de décliner leur identité. Len se lança :

- Euh… Je m’appelle Len Kagamine… euh… Majesté…

Le manque d’assurance de son frère, dont les yeux parcouraient encore l’immensité de la salle, provoqua chez Rin un fou-rire qu’elle eût du mal à contrôler, mais elle fut rapidement rappelée à l’ordre par Meiko, qui lui demanda de se présenter également. La jeune blonde reprit alors son calme et annonça :

- Je m’appelle Rin, je suis sa sœur… C’est un honneur pour moi de vous rencontrer, Majesté.

- Quant à moi, je m’appelle Alys, ajouta la jeune femme.

Rin afficha ensuite une expression de satisfaction en direction de son frère. Elle avait bien mieux géré cette première rencontre que lui, qui cherchait encore ses mots.

- Tout l’honneur est pour moi, répondait Luka. « J’ai bien reçu les messages de Miku. Apparemment, vous pourriez lui être d’une grande aide dans l’enquête sur les meurtres des chefs de village. »

- Nous ferons de notre mieux, Majesté, rétorqua gentiment Rin.

A l’arrière, Miku arborait un sourire satisfait. Cette rencontre s’annonçait sous les meilleurs auspices. Rin répondait pour l’instant parfaitement aux interventions de la souveraine. Après s’être présentée devant Sa Majesté, Rin frappa son coude vers le flanc de Len afin d’obtenir une réaction, celui-ci étant toujours perdu dans ses pensées.

- Oui… Nous ferons notre possible, Majesté…

Derrière, Gumi commençait à fustiger l’attitude du garçon, et demanda à sa supérieure ce qu’il lui avait pris à l’emmener ici, celui-ci ne sachant visiblement pas se comporter correctement devant une personne de haut rang.

Peu après, la Reine reprit la parole :

- Je me demande juste comment vous connaissez toutes ces informations. Dans les rapports de la commandante, cette partie n’est pas très claire…

- C’est parce que… commença Rin.

- Vous êtes pris d’amnésie, je sais, interrompit Luka. « Mais je dois vous avouer que je trouve ceci quelque peu bizarre… ». La Reine reprit son souffle et ajouta après quelques instants. « Quoi qu’il en soit, vous constituez la seule piste que nous ayons, et cette affaire m’inquiète pour l’avenir du pays. »

Un silence encombra la salle un petit moment, les deux jeunes adolescents ne sachant pas quoi répondre à ces dernières remarques, puis la Reine s’adressa à Alys.

- Vous me rappelez quelqu’un…

- Je viens du village d’Uchi, répondit Alys qui tenait d’aiguiller la Reine dans ses recherches.

- Uchi, vous dites ? Vous ne seriez pas parents avec Monsieur Vo ? demanda-t-elle.

- C’était mon père…

- Ah, c’est pour cela. Je me disais que vous aviez un air de famille. En tout cas, votre père était un héros. Je l’ai un peu connu, mais sa réputation n’est plus à faire. Toutes mes condoléances en tout cas.

- Merci, Majesté ! conclut Alys, visiblement émue.

Rin et Len regardèrent alors fixement leur amie. Elle leur avait caché tout sur son père, et visiblement il était très connu dans le pays. Les jumeaux commençaient à se dire que la jeune femme ne les avait pas forcément accompagnés dans le seul but de les aider.

Quelques instants plus tard, la Reine Luka conclut :

- Vous pouvez disposer, j’en ai assez entendu. Encore une fois, merci pour votre collaboration.

Les sept personnes présentes devant la Reine exécutèrent un nouveau salut dans sa direction. Tous s’apprêtaient à partir lorsque Luka demanda à Miku de rester avec elle quelques instants pour un petit entretien. Celle-ci signifia donc à Gumi et Yuma de s’occuper des Kagamine et de les emmener dans la caserne.

- Je vous rejoindrai dès que je peux, finit-elle.

Miku s’avança donc devant le trône alors que tous les autres quittèrent la salle en silence. Meiko referma doucement la porte derrière elle.

- Qu’y a-t-il, Ma Reine ? demanda Miku.

Luka se retira de son siège et descendit lentement les quelques escaliers qui se trouvaient devant celui-ci. Elle se retrouvait par conséquent à hauteur de Miku.

- A quel point leur fais-tu confiance ?

Miku marqua un temps d’hésitation, cherchant à produire la meilleure réponse à cette question.

- Je sais qu’ils nous cachent des choses, mais ils ne sont pas particulièrement dangereux, selon moi. Et puis, je les ai confiés à Gumi et Yuma : il ne devrait donc rien se passer de grave avec ces deux personnes dans les parages. Je leur ai également demandé de me rapporter leurs moindres faits et gestes. Quant à Alys, je me charge de garder un œil sur elle.

- Tu as bien fait, admettait Luka. « Je sens que des heures sombres approchent pour notre pays, et ces deux personnes pourraient s’avérer bien utiles. Mon sixième sens n’a jamais tort ».

- Le pouvoir que vous avait hérité de votre mère ? Vous avez eu une vision ?, demanda Miku.

- En quelque sorte… Et peux-tu parler plus discrètement ? Tu es la seule à connaître mon secret…

- Pardonnez-moi, Majesté.

- Bien, ça me rassure de voir que tu t’occupes personnellement de cette affaire. Tu es la seule personne en qui j’ai confiance, ici… confia la Reine.

- Merci beaucoup, répondit simplement la commandante. « Et ne vous inquiétez pas, je les surveille de près. »

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Alors que Miku s’apprêtait à prendre congé de la souveraine, et à retrouver ses chers appartements situés dans le bâtiment de la garde, Gumi et Yuma accompagnaient Rin, Len et Alys au même endroit afin de les installer là-bas. Quelques minutes après être sorti du Palais, le groupe arriva à un portique en fer (une nouvelle fois gardé par deux soldats). Devant cette porte s’étendait un long sentier de sable fin qui menait au quartier général de la garde royale. Il était constitué d’un seul bloc, construit en briques, dans lequel se trouvaient différentes salles. Tout ce qui était nécessaire à l’armée de Kuni et à la formation des soldats se trouvait dans cet endroit, ce qui expliquait sa taille imposante. L’intérieur du bâtiment restait par ailleurs assez sommaire, en dehors de l’entrée et de quelques pièces importantes. Ici, il ne fallait pas forcément impressionner les diplomates étrangers, par conséquent la décoration n’avait que très peu d’utilité dans un centre d’opérations militaire. Le groupe entra par le bâtiment par la porte centrale. Ensuite, les deux lieutenants conduisirent Rin, Len et Alys jusqu’à leur chambre au troisième étage.

- Vous avez de la chance, commença Yuma. « La commandante Miku a refusé que vous ne vous mêliez aux autres recrues. En plus d’avoir un entraînement personnalisé, vous pouvez vous installez dans cette chambre personnelle. En ce qui vous concerne, Alys, nous avons pensé que vous préféreriez rester avec eux… »

- Merci grandement, fit Alys.

- C’est chouette ça ! compléta Rin.

- En quoi consistera notre entraînement, au fait ? demanda Len.

Gumi coupa alors Yuma, qui s’apprêtait à répondre, dans son élan.

- Tu le verras bien assez tôt ! Mais, ça ne sera pas une partie de plaisir pour vous, ça je peux vous l’assurer. Vous allez regretter de ne pas vous retrouver avec les autres !

Rin et Len ravalèrent leur salive. Depuis leur rencontre, Gumi n’avait pas adopté un ton très commode envers eux, et s’était révélée assez directe. Len se trouvait même chanceux d’avoir écopé de Yuma comme maître de sabre, alors que sa sœur allait devoir supporter la jeune femme. Yuma était d’un naturel calme, et s’était montré réservé et silencieux jusqu’à maintenant, mais il n’avait pas l’air particulièrement sévère, tout le contraire de sa collègue.

Les trois nouveaux arrivants se mirent donc à déballer leurs bagages dans leur nouveau lieu de vie. Miku fit alors irruption dans la chambre :

- Rin et Len, tenez-vous prêts, votre entraînement débute dès demain matin. Je vous conseille de ne pas vous coucher trop tard aujourd’hui, vous aurez besoin de toute votre énergie. Gumi, Yuma, suivez-moi jusqu’à mon bureau, pour qu’on discute de leur formation, exigea-t-elle.

- On peut savoir à quoi on va avoir droit ? demanda Rin.

- C’est quand même mieux d’avoir la surprise, non ? rétorqua malicieusement la commandante aux cheveux bleus.

Gumi se mit à rire discrètement à cette dernière remarque, ce qui ne rassurait pour le moins du monde les jumeaux. Finalement, ils continuèrent à ranger leurs affaires lentement, alors que les trois hauts-gradés partirent pour le bureau de Miku.

La soirée fut particulièrement calme, les Kagamine préférant suivre les conseils de la patronne de la garde royale. Cependant, ils éprouvèrent des difficultés à trouver le sommeil. Ils ne savaient pas encore réellement dans quelle galère ils venaient de s’embarquer. Rin et Len finissaient même par se demander s’ils allaient parvenir à rentrer chez eux. Pour la première fois, le mal du pays se faisait ressentir pour de bon, tandis qu’ils fixaient la pleine lune par la fenêtre. Alys, qui était restée avec eux tout ce temps, tentait de trouver les mots pour leur remonter le moral. Heureusement avait-elle un don pour ce genre de discours. Elle avait donc réussi à trouver les mots justes pour apaiser ses amis, et leur donner un regain de motivation avant d’affronter les difficultés de l’entraînement du lendemain.

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La nuit venait de tomber. La seule lumière disponible dans les quartiers populaires de la capitale était celle reflétée par la pleine Lune qui brillait. A travers les rues étroites se glissait un homme à la frêle silhouette. Celui-ci prenait énormément de précaution quant à ses déplacements et veillait à ne pas être suivi. Finalement, il s’arrêta devant une petite maison située dans l’une des rues étroites qui bordaient l’une des nombreuses places de ce quartier de la ville. Il chercha ses clés dans sa poche, puis ouvrit une petite porte et entra. La maison était composée d’une pièce à vivre, où l’homme passait clairement le plus clair de son temps, au vu de l’état de celle-ci. Plus loin se trouvait une seconde salle, pratiquement vide. Les murs demeuraient gris et vierges de tout ornement. L’étrange jeune homme poursuivit son chemin jusque-là et fit face au mur du fond. Ensuite, il tira sur une petite corde qui fit coulisser le mur jusqu’au sol. Derrière celui-ci se trouvait un petit écran, accompagné de l’un de ces vieux combinés téléphoniques. L’homme s’empara donc de celui-ci, et l’écran s’alluma, mais il n’émit pour l’instant qu’une lumière verte. Quelques instants plus tard, le visage d’un jeune homme aux cheveux rouges s’afficha :

- Yohio, au rapport, Monsieur Fukase.

Fukase, bien installé sur un énorme fauteuil Voltaire, répondit d’un air enjoué :

- Bonjour, mon cher Yohio ! Que me vaut ce si charmant appel de ta part ? Comment vas-tu ?

- J’ai un problème…

- Qu’est-ce qu’il y a ? Parle donc ! demanda Fukase vigoureusement.

- Le plan est toujours en marche pour l’instant, mais je n’ai plus de munitions…

Yohio vit le visage de son chef s’assombrir soudainement. La nouvelle qu’il venait de lui annoncer ne lui avait certainement pas fait plaisir.

- Comment ça ? Tu as déjà tout utilisé ? Mais qu’est-ce que tu crois ? Toutes ces armes ne sont pas si faciles à trouver, tu sais ? Je t’avais pourtant dit de les utiliser avec parcimonie, déblatéra Fukase dans une colère noire.

- Je sais, mais le meurtre du troisième chef à Uchi s’est révélé plus compliqué que prévu et j’ai donc dû m’employer davantage…

De l’autre côté de l’écran, on pouvoir voir le jeune homme tenter de reprendre son calme tant bien que mal. Puis, Yohio décida de reprendre la parole :

- Et, en plus, je pense que la garde royale est sur mes traces… glissa-t-il doucement.

Fukase se leva de son siège, se prit la tête entre les mains et se mit à faire les cent pas en émettant quelques cris d’énervement. Quelques instants plus tard, il retrouva son calme et se rassit sur son fauteuil :

- Bon, tu en as tué combien déjà ?

- Trois chefs, rétorqua Yohio.

- Il t’en reste encore quatre ?! Et en plus le temps presse, lança Fukase.

Celui-ci se mit à réfléchir encore pendant un long moment. Yohio n’osa pas interrompre sa concentration et resta donc parfaitement silencieux. Un peu plus tard, Fukase releva son visage.

- Nous allons donc passer au plan B… Je t’envoie les Genshine, je n’ai pas d’autre choix…

- Les Genshine, vous êtes sérieux ?

- Tu vois une autre solution ?

Fukase lâcha donc des yeux son écran et appela les jumeaux :

- Kyuu, Roku, vous pouvez venir, mes chéris ?

Deux jeunes garçons aux cheveux verts sortirent donc lentement de la pénombre qui entourait le fauteuil de Fukase. Les deux frères portaient sensiblement la même tenue, à savoir un tee-shirt (de couleur rouge pour Kyuu et jaune pour Roku), un pantalon noir, et un gilet vert. Ils avaient également chacun en leur possession un grand sabre, rangé dans un fourreau blanc. Alors que Kyuu, l’aîné, arborait un air grave et blasé, Roku affichait un léger sourire.

- Depuis quand il nous appelle « mes chéris », celui-là ? lança Kyuu.

- Ne t’occupe pas. Monsieur Fukase a toujours été un peu bizarre, rétorqua Roku.

- Ce n’est pas une raison.

Les jeunes hommes s’installèrent de part et d’autre du siège de Fukase, qui se fit une joie de les présenter à Yohio :

- Voici Kyuu et Roku Genshine ! Ce sont mes meilleurs éléments. Je vais te les envoyer afin qu’ils puissent t’aider dans ta tâche… Pour les munitions, je ne pourrais pas t’en fournir pour l’instant, et donc, tu devras te débrouiller avec eux.

- Merci beaucoup, Monsieur, répondit l’homme blond.

- Kyuu, Roku, préparez-vous, s’il vous plaît, et rendez-vous au téléporteur, demanda Fukase. « Et Yohio, je n’accepterai plus aucun échec, surtout avec ces deux-là de ton côté, c’est bien compris ? »

- Oui, Monsieur.

- A bientôt, mon cher Yohio.

- Au revoir, Monsieur.

Fukase mit ainsi fin à la conversation. Il eût ensuite un regard satisfait envers les Genshine, et se mit à leur sourire, mais il fut vite refroidi par les protestations de Kyuu.

- Et on ne nous demande pas notre avis à nous ?

Roku tenta alors de faire taire son frère, mais rien n’y fait. Celui-ci aurait bien aimé être mis au courant avant de partir dans l’inconnu, dans un autre monde. Finalement, Roku parvint à calmer son jumeau, et Fukase put prendre la parole.

- Je n’ai pas vraiment le choix, tu sais ? Vous seuls pouvez aider Yohio, confirma le chef.

- Qu’est-ce qu’on y gagne, à la fin ? demanda l’aîné.

- Une place de choix dans mon organisation quand le plan sera terminé. Et je peux augmenter ta paye aussi… Et enfin, n’oublie pas tout ce que tu me dois déjà. Sans moi, vous deux serez déjà morts… termina Fukase.

- Oui, oui, on a bien compris, fit Roku, qui voulait calmer le jeu. « Nous allons nous préparer ».

Quelques dizaines de minutes plus tard, trois personnes se tenaient devant un portique émettant une forte lumière bleue. Kyuu continuait de pester alors que Roku fermait simplement les yeux. De loin, Fukase observait les jumeaux qui se tenaient par la main avant de se lancer vers le halo, et disparaître dans un bruit assourdissant. Il quitta ensuite la pièce le sourire aux lèvres en émettant un rire narquois.

Les Genshine venaient de faire leur entrée dans Sekai.

Publié dans Sekai

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